Les nouvelles armes des limiers du fisc

Samedi 4 mai 2013

Les nouvelles armes des limiers du fisc

Source : Capital

03/05/2013 à 17:29 / Mis à jour le 03/05/2013 à 21:11

Pour pouvoir traquer les gros fraudeurs jusque dans les paradis fiscaux, les contrôleurs de Bercy ont sorti l’artillerie lourde. Ils s’appuient désormais sur des super­serveurs informatiques et peuvent compter sur une unité de police fiscale de choc.

[…] Bien sûr, il en faudrait plus pour impressionner les filous les plus chevronnés, qui savent jongler avec les montages de sociétés opaques et les comptes en banque ouverts à Hong Kong ou aux Bahamas. Mais même ceux-là ne sont désormais plus tout à fait à l’abri. Pour traquer au plus près les opérations internationales complexes, un commando de choc a en effet été spécialement constitué fin 2010 : la BNRDF (Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale).

Installée au bord de la Seine dans un immeuble d’Asnières, cette unité spécialisée est composée d’une vingtaine de po­liciers et d’inspecteurs des ­impôts ayant bénéficié de formations complémentaires croisées : un stage de trois mois à l’Enfip (Ecole nationale des finances publiques) pour les premiers, et un passage par l’ENSP (Ecole nationale supérieure de la ­police) pour les seconds. Forts de leur nouveau statut d’officier fiscal judiciaire (OFJ), ces derniers disposent des mêmes pouvoirs que ceux attribués à la PJ, dès lors qu’ils sont mandatés par un magistrat : filatures, écoutes téléphoniques, perquisitions, gardes à vue, saisies, ­enquêtes à l’étranger dans le cadre d’une commission ro­gatoire internationale.

A seulement 34 ans, le commissaire Guillaume Hézard, qui ­dirige cette redoutable brigade, est un vieux routier de la traque à la grande fraude : il était auparavant à la tête du groupe d’intervention ­régional des Hauts-de-Seine (GIR 92), chargé de lutter contre l’éco­nomie souterraine dans les ­cités, notamment les réseaux de blanchiment de l’argent de la drogue. Aujourd’hui, ce sont surtout des hommes d’affaires, des banquiers ou des avocats qu’il fait surveiller, ­parfois 24 heures sur 24, une tâche qu’il sous-traite souvent à une brigade de recherche et d’in­tervention ­spécialisée, la BRI financière.

Ainsi, lorsqu’il veut faire suivre discrètement un conseiller fiscal venu du Luxembourg pour rencontrer quelque client à Paris. « Nous allons prendre en filature H24 ce spécialiste de l’évasion des capitaux pendant une semaine, en notant tous ses rendez-vous pour voir avec qui il travaille, jusqu’à ce qu’il entre en contact avec l’individu qui nous in­téresse », expliquait il y a quelques mois devant une commission du Sénat Bernard Petit, contrôleur général de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière à la Direction centrale de la police judiciaire. Malheur à ceux qui se font prendre par ces incorruptibles.

« Si vous tombez dans le collimateur de la BNRDF, vous risquez de passer des moments très désagréables », témoigne l’avocat parisien Vincent Ollivier. Certains gros contribuables, dont le nom apparaît dans la fameuse liste de la banque HSBC, en savent quelque chose. Ce notaire de province, par exemple, qui a fini par craquer au terme de sa première nuit de garde à vue. Après avoir farouchement nié toute fraude, il s’est mis à table comme un petit garçon, témoigne un habitué de ces dossiers. Bien plus coriace, cet autre épinglé des comptes suisses HSBC vit aujourd’hui un véritable enfer : mis en ­examen pour fraude aggravée (mais encore loin d’être jugé), il s’est fait saisir une partie de son patrimoine à titre conservatoire, s’est vu notifier une interdiction de quitter le territoire et n’a plus le droit de rencontrer sa propre épouse (elle aussi mise en examen) tant que dure l’enquête judiciaire.

« Pour les grosses affaires, l’époque des arrangements en douceur est terminée, confirme l’avocat Ardavan Amir-Aslani. Le ­niveau professionnel des hauts gradés de l’administration fiscale s’est beaucoup renforcé et, s’ils sont sûrs de leur dossier, ces hommes-là ne vous lâchent plus. » Ziad Takieddine, l’un des plus célèbres « clients » de la BNRDF, pourrait lui aussi le confirmer. Ce richissime intermédiaire franco-libanais, déjà mis en examen par le juge ­Renaud Van Ruymbeke dans le volet financier de l’affaire Karachi, fait en effet l’objet depuis juillet dernier d’une enquête pour fraude fiscale particuliè­rement serrée. L’administra­tion s’est rendu compte qu’il avait « oublié » de payer ses ­impôts depuis 2002. Tous ses biens en France (comptes bancaires, hôtel particulier, yacht) ont été saisis à titre conservatoire. Et cette fois-ci, il ne peut plus compter sur son grand ami Jean-François Copé, ex-­ministre du Budget, pour le tirer d’embarras. Lire la suite.

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