Marseille : les frères Guérini en garde à vue

Mardi 2 avril 2013

Marseille : les frères Guérini en garde à vue

Le Point.fr - Publié le 02/04/2013 à 09:10 - Modifié le 02/04/2013 à 11:38

Le président du conseil général des Bouches-du-Rhône et son frère sont entendus sur des marchés publics présumés frauduleux dans le département.

Source AFP

Le sénateur PS des Bouches-du-Rhône Jean-Noël Guérini était mardi matin, ainsi que son frère Alexandre, dans les locaux de la section de recherches de la gendarmerie de Marseille, pour y être entendu en garde à vue dans un dossier « à caractère mafieux » touchant à des marchés publics dans le département. Le président du conseil général est arrivé peu avant 9 heures à la caserne Beauvau dans une voiture de fonction escortée par un véhicule de la gendarmerie. Il a été rejoint une heure plus tard par un de ses avocats, Me Dominique Mattei.

L’élu, dont le juge d’instruction marseillais Charles Duchaine avait obtenu en décembre une nouvelle levée de son immunité parlementaire, devait être entendu par les enquêteurs à la mi-janvier, mais il avait été hospitalisé pour une péritonite. Selon une source judiciaire, son frère, Alexandre Guérini, était entendu au même moment mardi, dans les locaux de la SR. Tous les deux sont déjà mis en examen dans un autre dossier du juge Duchaine, relatif à des décharges exploitées dans les Bouches-du-Rhône par Alexandre Guérini.

Dossier « à caractère mafieux »

L’affaire pour laquelle le sénateur doit à nouveau être entendu, porte sur des malversations financières de grande ampleur touchant à des marchés publics remportés dans des conditions suspectes auprès de collectivités de Haute-Corse et des Bouches-du-Rhône. Il implique des membres présumés du grand banditisme dont Bernard Barresi, arrêté en 2010 après 18 ans de cavale et mis en examen en décembre.

Dans sa demande de levée d’immunité, le juge Duchaine avait évoqué un dossier « à caractère mafieux », dont la gravité et la complexité nécessitaient le placement en garde à vue de Jean-Noël Guérini. Le magistrat avait précisé qu’il n’envisageait aucune mesure de détention ou de contrôle judiciaire à l’issue d’une éventuelle nouvelle mise en examen. Plus d’une vingtaine de personnes - entrepreneurs, hommes de paille, élus, fonctionnaires - sont déjà mises en examen dans ce dossier tentaculaire dont les débuts remontent à 2005.

Le fisc s’intéresse alors à deux gérants de sociétés du Sud-Est, Patrick Boudemaghe et Damien Amoretti, qui roulent tous deux en Maserati. Il suspecte de fausses facturations autour de leur entreprise de maçonnerie à Gardanne (Bouches-du-Rhône), ABT, et de leur agence de location de véhicules et d’engins de chantier à Vallauris (Alpes-Maritimes), Riviera International. Le parquet d’Aix-en-Provence est saisi en 2008 et la police judiciaire commence à enquêter, sans remonter jusqu’aux Guérini. La justice marseillaise et les gendarmes, alertés par un courrier anonyme qui met en cause les deux frères en février 2009, récupèrent le dossier huit mois plus tard.

« Trait d’union entre le milieu et la bonne société »

Autour de Boudemaghe, arrêté en Espagne fin 2010, les enquêteurs repèrent alors une nébuleuse de sociétés - dont les ramifications mènent au Luxembourg et à Panama - soupçonnées d’avoir détourné et blanchi des millions d’euros issus de marchés publics. Pour la justice, Boudemaghe n’agit pas pour son propre compte, mais appartient à un « groupement permanent » d’intérêts aux côtés d’Alexandre Guérini et de Bernard Barresi, « malfaiteur notoire » reconverti, sous de faux noms, dans le BTP et l’immobilier, sa compagne oeuvrant dans le domaine de la sécurité, notamment pour le compte du département.

Le frère du sénateur servait de « trait d’union entre le milieu et la bonne société, entre le monde économique et la sphère politique », avançait le juge dans sa demande de levée d’immunité parlementaire. Selon le magistrat, par son entrisme au conseil général, que son frère ne pouvait ignorer, Alexandre aurait obtenu que les entreprises de ses partenaires, en premier lieu ABT, soient favorisées dans certains marchés ou pour des chantiers de bâtiments publics (maisons de retraite, collèges, casernes de pompiers, etc.).

Dans ce « système », quel était le rôle de Jean-Noël Guérini ? « Plus difficile à cerner et surtout à critiquer », de l’avis du magistrat, il aurait assuré de façon « systématique » le succès des entreprises de son frère et de ses amis « par ses interventions influentes, ses actions ou ses abstentions », dénoncées aux enquêteurs par d’anciens collaborateurs. Un « appui » sur lequel le groupement Guérini-Boudemaghe-Barresi « spéculait évidemment », concluait le juge dans sa demande de levée d’immunité.

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