La Banque du Vatican rend les banquiers suisses jaloux

Dimanche 21 novembre 2010

La Banque du Vatican rend les banquiers suisses jaloux

L’Institut des œuvres religieuses fait l’objet d’un nouvel assaut de la justice italienne. L’IOR est soupçonné d’aide à l’évasion fiscale, via ses évêchés, qui bénéficient de l’immunité papale

Elisabeth Eckert - le 20 novembre 2010, 22h16 Le Matin Dimanche

Dans le cercle très fermé de la Terrasse, à Genève, les banquiers ne parlent (presque) plus que de cela. Soumis à une réglementation de plus en plus lourde, leurs établissements n’en peuvent plus de s’adapter aux nouvelles normes antiblanchiment, anti-évasion fiscale, antipotentats. « Anticlients », s’exclament-ils, eux qui doivent déjà refuser les Américains (trop dangereux) et devront contrôler, demain, la déclaration d’impôt des Français, des Allemands ou des Italiens.

Alors, pour se consoler, ils rêvent d’un paradis perdu. « Imaginez-vous, nous confie l’un d’eux. La Banque du Vatican n’est contrainte à une aucune norme internationale. Ni sur le blanchiment d’argent sale. Ni sur l’évasion fiscale. Rien ! Cette banque affiche officiellement quelque 6 milliards de francs de fonds sous gestion ; or, les mallettes circulent en toute impunité d’une congrégation religieuse à l’autre. » Jaloux et mauvais langue, notre banquier privé calviniste ?

Que nenni ! Le 2 novembre dernier, quelque 500 représentants des missions catholiques du monde entier se sont réunis à Rome sur l’invitation de l’Institut des Œuvres religieuses (IOR), surnommée la Banque du Vatican. Officiellement, son directeur général, Ettore Gotti Tedeschi, voulait faire le point, avec eux, sur la crise financière mondiale et la globalisation. Officieusement, il s’agissait, pour le banquier du pape, « d’évoquer leurs besoins de nature financière et économique ».

C’est qu’en ce début novembre, l’heure est grave. Ettore Tedeschi, ainsi qu’un autre haut cadre de l’IOR, se voient poursuivis pour blanchiment d’argent par le Parquet de Rome. Oh, rien d’aussi grave que le scandale du Banco Ambrosiano dans les années 80, dont l’IOR était l’actionnaire majoritaire. Mais cette enquête est la plus importante jamais ouverte en Italie depuis dix ans. Car les juges transalpins soupçonnent que cet institut, jouissant de l’extraterritorialité, sert de paravent à « des sujets ayant leur résidence fiscale en Italie, pour cacher différents délits, tels que la fraude ou l’évasion fiscale. » La traque ne fait que commencer. Mais jusqu’alors, depuis la fondation de l’IOR par Léon XIII, aucune juridiction n’est jamais parvenue à ouvrir ses coffres. L’OCDE ou l’Union européenne y parviendront-elles enfin ?

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