Clearstream, une société au coeur du système financier

Vendredi 5 mai 2006 — Dernier ajout dimanche 6 mai 2007

Clearstream, une société au cœur du système financier

Evénement

International

L’internationalisation et la multiplication des échanges ont conduit à la mise en place d’un système financier très opaque. Décryptage.

À l’origine des échanges mondiaux

Au début du développement des relations financières internationales, les titres - actions ou obligations - étaient matérialisés par un morceau de papier et leur vente signifiait un changement physique de propriétaire. Or ceux-ci pouvaient être séparés par un océan. Le transfert coûtait alors très cher et restait peu sûr (des titres pouvaient s’égarer). Surtout, il prenait beaucoup de temps. L’informatisation, couplée à la recherche d’efficacité et à la multiplication des échanges, a radicalement transformé le système. Avec pour clef de voûte des chambres de compensation comme Clearstream.

Qu’est-ce qu’une chambre de compensation ?

Il s’agit d’une structure qui permet aux banques de sécuriser les transactions qu’elles réalisent entre elles. Par exemple, monsieur A, titulaire d’un compte dans une banque X, reçoit un chèque de madame B, émis d’un compte d’une banque Y. La banque X présente le chèque à une chambre de compensation, qui garantit la transaction. Mais, il faut imaginer que des milliers de chèques sont émis chaque jour : la chambre de compensation fait, en réalité, le total de ce que les banques détiennent les unes sur les autres et les échanges se font à partir du solde entre les créances et les engagements contractés par ces institutions financières. Il faut aussi imaginer qu’il n’y a pas que deux banques dans le monde.

Deuxième activité des chambres de compensation : les transferts de titres, actions ou obligations, achetés et vendus par différents propriétaires. Or toute transaction passe obligatoirement par des banques. Le procédé est alors peu ou prou le même que pour les chèques. Ainsi, Clearstream stocke et échange les titres sous forme de jeux d’écriture électronique.

Les géants mondiaux

Clearstream, anciennement Cedel et aujourd’hui propriété de Deutsche Börse (la Bourse de Francfort), est l’une des deux premières sociétés mondiales de ce type. Sur son site Internet, il revendique 2 500 clients dans le monde et affirme effectuer plus de 250 000 opérations de « règlement-livraison » chaque jour. Et ce pour des montants faramineux. Au total, estime Denis Robert, Clearstream brasserait près de cinquante fois le budget de la France et dégagerait d’importants bénéfices.

Les multiples zones d’ombre

Jusque-là, rien d’illégal. Clearstream n’est qu’un rouage central mais banal du système financier international. Sauf que les livres de Denis Robert l’accusent d’avoir fait office de « lessiveuse d’argent sale » (lire interview). Les zones d’ombre sont en effet troublantes. D’abord, Clearstream est basé au Luxembourg, un des paradis fiscaux les plus prisés de la planète, et alimente par virement électronique plus de cent pays, dont « plus d’un tiers de paradis fiscaux », selon Denis Robert. Ensuite, officiellement pour rendre son système plus efficace, Clearstream aurait permis à d’autres entités que des banques d’ouvrir un compte chez lui. Un procédé contraire à ses statuts, explique Révélation$. C’est ainsi que Denis Robert affirme avoir entre les mains des listes de comptes appartenant à des particuliers - celles-là même, qui, falsifiées, ont alimenté les allégations du « corbeau » dans la deuxième affaire Clearstream.

Clearstream blanchi par la justice

Les deux enquêtes menées sur Clearstream par la justice luxembourgeoise ont conduit à un non-lieu. Mais dans le même temps personne n’a démontré que les révélations de Denis Robert étaient infondées. Par ailleurs, certains spécialistes de la finance internationale estiment que le rachat de Clearstream par la Deutsche Börse à partir des années 2000 a contribué à assainir et clarifier le fonctionnement de la société. Reste que toutes les zones d’ombre sont loin d’être levées.

Lénaïg Bredoux

Journal l’Humanité

Rubrique Politique

Article paru dans l’édition du 5 mai 2006.

Publié avec l’aimable autorisation du journal l’Humanité.

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