Vaudano : « Un relâchement dans la lutte anti-mafia »

Dimanche 17 mai 2009 — Dernier ajout dimanche 12 juillet 2020

15/05/2009 17:09

Vaudano : « Un relâchement dans la lutte anti-mafia »

Pour le juge Mario Vaudano, après des progrès de 1992 à 2003, la lutte contre le crime organisé a régressé sous le gouvernement Berlusconi

Mario Vaudano, magistrat italien travaillant pour l’Office européen de lutte anti-fraude (Olaf)

« Après l’assassinat du juge Giovanni Falcone le 23 mai 1992, des progrès judiciaires et juridiques ont été accomplis en Italie, mais aussi en Europe. L’Italie a voté la loi anti-mafia sur la confiscation des biens mafieux. Un délit d’association mafieuse existe. Des hommes politiques complices ne sont plus jugés par une commission spéciale, mais par la justice ordinaire.

Par ailleurs, des lois-cadres ont été proposées au niveau européen sur le blanchiment, la saisie de biens criminels ou le mandat d’arrêt européen. Les États devaient les transposer en droit national, ce qu’ils ont fait à leur façon. L’Italie a par exemple cherché à restreindre la portée du mandat d’arrêt européen sous le gouvernement Berlusconi, revenu au pouvoir en 2001. Le pays a alors pris un grand retard, alors qu’il était à l’avant-garde de l’Europe.

Cela a refermé la parenthèse de 1992 à 2000, où des moyens d’intervention propres avaient été donnés à la justice italienne. Pour la première fois, des collègues de Palerme étaient sur le point de vaincre la mafia. Entre 1993 et 2003, il y a eu 650 condamnations de mafieux en Sicile, suscitant un changement de culture d’une bonne partie de la population, et surtout des jeunes. L’omerta était vaincue. On pourrait vaincre les mafias, mais on n’en a plus la volonté

Sous Silvio Berlusconi, il y a un affaiblissement général des délits financiers, notamment pour les faux en bilan, la grande escroquerie, la banqueroute ou la corruption. Les délais de prescription ont été raccourcis. Les écoutes et perquisitions ont été restreintes en cas de délits politico-financiers. La loi est toujours efficace pour punir les mafieux, mais plus leurs complices dans les sphères politiques ou financières. Or, si ces derniers ne sont plus amenés à collaborer avec la justice, c’est tout un patrimoine de connaissances et de capacité à réprimer qui se perd.

On pourrait vaincre les mafias, mais on n’en a plus la volonté. C’est la même chose au niveau de la coopération internationale, policière et judiciaire. On cherche à restreindre la collaboration directe entre les juges, pourtant la plus efficace. Et Europol (Office de police européen) n’est pas un organe d’enquêtes et dépend du Conseil des ministres. Le problème est qu’il n’y a toujours pas de parquet européen indépendant. Cette possibilité est prévue par le traité de Lisbonne pour les délits graves, à la demande de neuf États. »

Recueilli par Aude CARASCO

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