Un G20 historique

Lundi 6 avril 2009

Un G20 historique

Extraits d’un article mis en ligne sur le site internet du mensuel Alternatives Economiques :

Affirmant d’emblée faire face à une crise exceptionnelle, les dirigeants politiques du G20 ont accouché d’un texte qui pose les principes d’un bouleversement de l’ordre financier mondial. Après cinquante ans de libéralisation financière, l’objectif est désormais de redonner la main aux régulateurs et de construire une gouvernance mondiale de la finance. Dossier ultramédiatisé, la lutte contre les paradis fiscaux fait l’objet d’avancées certaines mais insuffisantes.

Les plus et les moins de la lutte contre les paradis fiscaux

Dossier ultra médiatisé du G20, la lutte contre les paradis fiscaux fait l’objet de décisions essentielles mais insuffisantes.

Du côté positif :

  • l’affirmation d’un double objectif de s’attaquer à ces territoires pour éviter les fuites de recettes fiscales et pour protéger le système financier, ce qui reconnaît leur rôle de facilitateur de l’instabilité financière ;
  • l’identification publique des territoires par l’intermédiaire de listes. Une liste blanche –voulue par les Etats-Unis – des pays au comportement adéquat. Deux listes grises de pays pas encore au point (dont l’Autriche, la Belgique, le Luxembourg, Singapour, la Suisse) et une liste noire de mauvais élèves ;
  • une liste de sanctions possibles à l’encontre des territoires récalcitrants, pouvant aller jusqu’à la suspension des relations financières ;
  • l’obligation pour les fonds spéculatifs de s’enregistrer dans les pays où ils opèrent, ce qui va rendre moins intéressant les immatriculations aux îles Caïmans ;
  • le FMI et le Conseil de stabilité financière devront établir un suivi du respect des règles prudentielles internationales dans ces territoires et pointer les dérives des paradis réglementaires ;
  • l’affirmation d’une volonté politique forte du G20 : « l’ère du secret bancaire est révolue ».

Du côté négatif :

  • le critère retenu pour établir les listes des paradis fiscaux est largement insuffisant : il réclame, d’une part, que les traités bilatéraux d’échanges d’informations fiscales signés par les pays soient au moins au nombre de 12 et, d’autre part, qu’ils se conforment aux demandes de l’Ocde qui se contente de réclamer un échange d’information en cas de preuves de fraudes et d’évasion fiscale. Les paradis fiscaux acceptaient depuis longtemps de coopérer en matière de fraude et, sous la pression de ces derniers mois, en matière d’évasion aussi. Un beau résultat, encore inimaginable il y a quelques mois. Mais on reste loin d’un échange automatique d’information qui permettrait à un juge ou une administration fiscale qui aurait de simples doutes de demander des informations aux paradis fiscaux simplement pour vérifier s’il n’y a pas anguille sous roche. L’ère du secret bancaire n’est donc pas encore révolu ;
  • suite à la pression de la Chine, Hong Kong n’est pas dans la liste des pays douteux, ce à quoi les britanniques ont répondu en faisant enlever Jersey, Guernesey et l’île de Man, l’Irlande étant également considérée comme un pays vertueux. Des choix qui entament la légitimité de la liste ;
  • rapports de force politique oblige, la City de Londres ou bien le Delaware ou le Nevada aux Etats-Unis ne sont pas non plus pointés du doigt.

Les paradis fiscaux qui s’attendaient à sortir de l’écran radar du G20 en lâchant quelques concessions minimes en sont pour leurs frais : le sujet est désormais bien ancré sur l’agenda politique mondial. De ce point de vue, les premiers échos du sommet auprès de l’administration américaine sont plutôt encourageants : les Etats-Unis pensent avoir posé une première pierre à laquelle d’autre pourront s’adjoindre en cas de besoin. La bataille doit effectivement être poursuivie : il faut établir une agence multilatérale d’échange automatique d’information ; il faut forcer les entreprises à un reporting détaillé pays par pays de leurs activités (chiffre d’affaire, masse salariale, profits, taxes payées…) ; il faudra rendre public les évaluations des paradis réglementaires et faire pression sur les territoires qui favorisent l’instabilité financière.

Les Etats-Unis semblent de plus disposés à faire un peu de ménages chez eux. Il faudra que Gordon Brown montre qu’il est prêt à le faire également à Londres. N’oublions pas, à ce titre, que la directive épargne européenne est en cours de renégociations – le projet de la Commission réclame l’échange automatique. Le Premier ministre britannique aura du mal à réclamer la fin du secret bancaire au G20 et à refuser de le remettre en cause dans l’Union.

Lire la suite de l’article sur le site internet du mensuel Alternatives !Economiques.

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