Raymond Baker met à nu les transferts de fonds internationaux illicites

Jeudi 24 juillet 2008

Raymond Baker met à nu les transferts de fonds internationaux illicites

Au cours de sa conférence introductive, l’Américain Raymond Baker a attaqué hier mardi 22 juillet 2008 les transferts de fonds internationaux illicites, expliquant qu’ils se font au détriment des plus pauvres et en faveur des plus riches. A la fois expert reconnu et militant engagé dans la lutte contre la corruption, sa conférence a essentiellement porté sur « les limites des mécanismes nationaux et internationaux de lutte contre la corruption, la fraude et le blanchiment d’argent des institutions financières internationales ».

Auteur du livre « Le talon d’Achille du capitalisme » ( 2007), Raymond Baker, indique que nous vivons et travaillons au sein d’un système économique capitaliste qui subit aujourd’hui des pressions à la fois conjoncturelles et systémiques. Fort de 15 ans d’expérience dans le monde des affaires au Nigeria et encore 20 autres années dans d’autres pays en voie de développement, Raymond Baker a dit sa confiance dans le système économique libéral et l’économie de marché, « à condition de rester dans le domaine légal ».

« Nous autres Occidentaux ne sommes pas d’innocentes victimes, c’est nous qui avons mis en place les techniques et les structures qui permettent de réaliser des transferts de fonds internationaux illicites, et maintenant cela se retourne contre nous. ». Pour cet expert, les transferts de fonds internationaux illicites proviennent de trois sources : la corruption, les activités criminelles et l’évasion fiscale commerciale. Mais la corruption des pays lointains ne compte que pour 3% du total, tandis que 30 à 35% de ces fonds sont d’origine criminelle. Cela laisse donc la plus large part, 60 à 65 % du total, pour les activités commerciales ordinaires. Ce système s’est mis en place dans les années 1960 sous la double influence du développement des sociétés multinationales et du désir des élites des pays pauvres nouvellement indépendants de déposer des capitaux à l’étranger – ce que les Occidentaux ont cherché à encourager. 5 seulement au début des années 60, il y a à présent 91 paradis fiscaux dans le monde et des millions de sociétés écrans. Les trafiquants de drogue et autres criminels n’ont pas eu besoin d’inventer quoi que ce soit pour faire transiter leur argent, car ces canaux existaient déjà ; « Ils constituent la plus grande faille dans le système économique mondial » a affirmé Raymond Baker.

Une estimation prudente situe le montant total annuel de ces transferts de fonds illicites entre mille et mille six cent milliards de dollars, la moitié de ce montant en provenance des pays pauvres. L’aide au développement représente 50 à 80 millions de dollars chaque année, soit dix fois moins que ce transfert des plus pauvres au plus riches. La Russie a été la principale source de ces vols ces dernières années, mais la Chine est en passe de la rattraper. Le Nigeria a été quant à lui victime du plus important détournement exprimé en pourcentage de son PNB, alors que 70% de la population nigériane vit avec un à deux dollars par jour. Le Congo est sans doute le pays qui a été saigné depuis le plus longtemps de ses ressources mais aussi de sa population ; depuis l’an 2000, quelque quatre millions et demi de personnes ont perdu la vie faute de moyens de subsistance. « La dégradation économique tue, a martelé Raymond Baker, s’interrogeant sur les effets positifs qu’aurait pu avoir l’argent de la corruption si seulement il était resté dans le pays ? »

« La priorité, concluait Raymond Baker, c’est de revenir à la justice. Ce n’est pas compliqué en soi, estimait-il, c’est surtout une question de volonté politique. »

Kinshasa, 24/07/2008 (Le Phare)

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