Les diamants du sang au centre du procès de l’ex-président libérien Charles Taylor

Lundi 7 janvier 2008 — Dernier ajout samedi 26 janvier 2008

07/01/2008 18:09

LA HAYE (AFP) - Les diamants du sang au centre du procès de l’ex-président libérien Charles Taylor

"Les diamants du sang" ont été au centre du procès pour crimes de guerre et contre l’humanité de l’ancien président libérien Charles Taylor devant le Tribunal spécial pour Sierra Leone (TSSL), qui a repris lundi après six mois de suspension.

Charles Taylor est le premier ancien chef d’Etat africain jugé par un tribunal international pour avoir dirigé en sous-main des rebelles du RUF ayant ravagé ce pays entre 1991 et 2001.

Derrière ses verres de lunettes fumé, le visage impavide, l’accusé en costume sombre a activement pris des notes tout au long de la journée, s’entretenant de temps à autre à voix basse avec ses avocats.

Le premier témoin appelé par l’accusation, Ian Smillie, a raconté comment ses recherches pour une ONG, puis en tant qu’expert auprès du Conseil de sécurité de l’ONU, ont révélé que le diamant jouait un rôle-clé dans le financement et les motivations des rebelles ayant ravagé la Sierra Leone, faisant 120.000 morts et des milliers de mutilés en une décennie.

Selon le procureur, Charles Taylor dirigeait du Liberia voisin —dont il a été élu président en 1997— la rébellion du Front révolutionnaire uni (RUF) dans le but de faire main basse sur les abondantes ressources diamantifères et naturelles de la Sierra Leone.

A la suite d’un rapport dont M. Smillie était co-auteur, le Conseil de sécurité a accusé en 2001 le gouvernement du Liberia de « soutenir » les rebelles du RUF pour qui les diamants constituaient la « majeure et principale source de revenus ». « Le gros des diamants du RUF quittent la Sierra Leone en transitant par le Liberia », précise une résolution. Selon M. Smillie, Charles Taylor lui aurait indiqué lors d’une rencontre en octobre 2000 qu’il était « hautement probable et possible » que des diamants des RUF transitaient par son pays, mais, ajoutait-il, « il n’en avait pas le contrôle ».

Pour la défense, l’argumentation du procureur était « désespérée ». « Je m’attendais à entendre de la part de M. Smillie comment (Charles Taylor) était directement impliqué dans l’export des diamants via Monrovia vers Anvers en Belgique (…) Mais il n’en a pas dit un mot », s’est indigné l’avocat de l’accusé, Me Courtenay Griffith.

Le contre-interrogatoire de M. Smillie par la défense, qui a commencé lundi, devrait se poursuivre mardi.

Taylor plaide non coupable des 11 chefs d’accusation —notamment meurtre, viol et recrutement d’enfants soldats— retenus contre lui pour une période allant de novembre 1996 à janvier 2002.

Dans plusieurs extraits d’un documentaire montrés lundi, des victimes non identifiées racontaient qu’elles ont été forcées par le RUF à travailler dans les mines jour et nuit. Une femme y racontait aussi comment des rebelles l’ont violée avec un bâton, lui faisant perdre l’enfant qu’elle portait depuis quatre mois, avant de mutiler à vie son mari en lui coupant les deux mains.

Les rebelles du RUF ont acquis une réputation sanguinaire en amputant bras, jambes, oreilles et nez à des milliers de civils sans défense, en brûlant des villages entiers et en engageant de force des enfants dans leurs rangs.

Leurs exactions ont été portées récemment à l’écran par Hollywood, dans le film « Blood Diamond » avec Leonardo DiCaprio.

Cette tactique avait pour objectif de « terroriser la population afin qu’ils quittent les zones minières et laissent le champ libre aux rebelles », a expliqué Ian Smillie. Ensuite, des troupes de RUF, ou bien des civils engagés de force, étaient employés pour exploiter les mines diamantifères, a-t-il ajouté.

Charles Taylor avait boycotté l’ouverture de son procès en juin et annoncé le renvoi de son avocat en réclamant plus de moyens financiers pour assurer sa défense. En août, il avait accepté un nouvel avocat.

© AFP

Publié avec l’aimable autorisation de l’Agence France Presse.

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