Des dizaines de hedge funds londoniens prêts à fuir en Suisse

Jeudi 13 décembre 2007

FINANCE : Des dizaines de hedge funds londoniens prêts à fuir en Suisse

Date de parution : Mercredi 12 décembre 2007

Auteur : Pierre-Alexandre Sallier

FISCALITE. Le tour de vis prévu sur le patrimoine des riches étrangers met la City en émoi.

La City est sur le pied de guerre. Bien décidée à défendre le paradis fiscal que représente Londres pour les oligarques russes, les footballeurs professionnels mais surtout des dizaines de richissimes gérants de fonds spéculatifs. Bien décidée à tout faire pour enrayer la fuite de ces derniers.

A l’origine de cette fronde, le projet de loi du gouvernement travailliste de Gordon Brown - adoption prévue en avril prochain - menaçant de mettre fin au traitement fiscal des plus favorables dont bénéficient un grand nombre de résidents d’origine étrangère. Plus précisément ceux qualifiés de « non-doms » par le fisc. Ce statut subtil, censé refléter la volonté de ne pas s’installer définitivement en Grande Bretagne et de garder une attache dans son pays d’origine, n’exclut ni la résidence permanente ni l’obtention d’un passeport britannique. Il offre en revanche le privilège de voir l’administration fiscale ne s’intéresser qu’aux seuls revenus ou plus values perçues au Royaume-Uni… et de fermer les yeux sur les gains tirés du patrimoine détenu hors du pays ; seules les plus-values rapatriées étant imposées.

Crucial pour les millionnaires contrôlant leurs actifs par le biais de sociétés trust enregistrées offshore. Or le nouveau régime fiscal à l’étude menace d’imposer aux « non-doms » établis depuis plus de sept ans un montant forfaitaire annuel de 30000 livres (70000 francs) afin de continuer de bénéficier de cette clémence. La menace d’une taxation du patrimoine élargie au-delà des seuls gains rapatriés est même évoquée, ce qui sonnerait la fin de cette exception.

Selon les autorités britanniques, 3000 personnes, sur les 5 millions de « non-doms », seraient concernées. La Chartered Institute of Taxation (CIOT, l’association de fiscalistes britanniques) pointe cependant que 140000 d’entre elles seraient en réalité touchées à des degrés divers. Et souligne que les recettes supplémentaires attendues par l’Etat - entre 2 et 3 milliards de livres (6 milliards de francs) - ne compensent pas le risque de « réduction de l’activité économique londonienne » suite à une fuite massive de ces fortunes. Parmi les principaux candidats au départ figureraient en effet « moins de jeunes courtiers travaillant à la City quelques années » ou « des oligarques pour qui 30000 livres ne représentent pas grand-chose » que « les nombreux talents du monde du capital investissement et hedge funds » pointe John Whiting, président de la CIOT.

Des financiers pour lesquels Genève ou Zurich apparaissent comme le repli idéal. A en croire David Butler, fondateur de Kinetic Partners, firme spécialisée dans le conseil auprès de ces « hedge funds », des « dizaines » de gérants seraient déjà en train de transférer une partie de leurs activités hors de Londres, « entre 20 et 50% de leurs opérations » étant menacées de délocalisation à terme. Sur les trois cents gérants dont il s’occupe, « les deux cinquièmes sont’ non-doms », rappelle ce dernier. Du côté de Genève, « aucune déferlante n’est encore observée » tempère Pietro Sansonetti avocat et expert fiscal au sein du cabinet Schellenberg Wittmer. Celui-ci admet cependant qu’un de tour de vis fiscal à Londres « risquerait d’occuper passablement les conseillers [en fortune] ».

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