Un chevalier blanc contre les milliards noirs

Mercredi 9 juin 2004 — Dernier ajout dimanche 6 mai 2007

Un chevalier blanc contre les milliards noirs

Semaine du mercredi 9 juin 2004 - n°2066 - Economie

Paradis fiscaux, blanchiment de l’argent du crime et délinquance en col blanc : voici des fléaux qui sont universellement stigmatisés, mais contre lesquels il semble bien difficile d’agir. « Pendant quatre ans, la commission parlementaire dont j’étais le rapporteur a fait le tour de l’Europe.

Nous avons identifié les problèmes et proposé une action conjointe des parlements nationaux pour y remédier. Mais malgré la volonté affichée par les gouvernements, la situation ne s’est pas améliorée et on dirait que le dossier est enterré », s’enflamme Vincent Peillon, jeune-turc du PS et cofondateur avec Arnaud Montebourg du courant Pour un Nouveau Parti socialiste.

A 44 ans, l’ancien député de la Somme veut encore y croire. Il publie le compte-rendu personnel de sa plongée dans l’Europe des comptes numérotés et des fiduciaires furtives.

Dans « les Milliards noirs du blanchiment » (1), l’ancien prof de philo devenu porte-parole du PS de 2000 à 2003, pointe une colossale hypocrisie. Des îles Anglo-Normandes à Chypre en passant par le Luxembourg, le Liechtenstein, Monaco et Gibraltar, les Européens entretiennent complaisamment le système du secret bancaire, des sociétés écrans et des entraves judiciaires. Pourquoi ? « On sait que toutes les grandes entreprises profitent du système. Mais c’est à croire que nos dirigeants aussi ont des comptes numérotés », grince Peillon, pour qui il serait simple d’exiger plus de transparence de la part des banques et des institutions financières européennes. « Il faut donner l’exemple et balayer devant notre porte. »

En 2000, Peillon et ses acolytes Arnaud Montebourg et l’UDF François d’Aubert avaient déclenché un scandale diplomatique en dénonçant officiellement le caractère trouble des activités financières du Rocher. Le prince Rainier avait menacé de « quitter la France ». Mais après quelques rodomontades, il mit un peu d’ordre dans les trusts monégasques soupçonnés de recycler l’argent sale des jeux africains.

Mais voilà, selon le jeune-turc, cette époque est révolue. « En 1999, le ministre de l’Economie Dominique Strauss-Kahn avait entrepris de régulariser la fiscalité des îles antillaises de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. Là-bas, personne ne paie d’impôt ou presque. Au lieu de ça, le gouvernement Raffarin a accordé un statut de collectivité locale autonome avec indépendance fiscale. On prétend réprimer la prostitution dans nos rues, mais on crée des facilités pour les mafieux qui exploitent les prostituées. » Et ne parlez surtout pas à Vincent Peillon du projet d’amnistie fiscale pour les capitaux tricolores évaporés à l’étranger évoquée par Jean-Pierre Raffarin : « C’est une mesure qui transformerait de facto l’Etat français en blanchisseur ! »

(1)« Les Milliards noirs du blanchiment », par Vincent Peillon, Hachette Littératures.

Sylvain Courage

© Le Nouvel Observateur 2003/2004

Publié avec l’aimable autorisation du Nouvel Observateur.

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