Downing Street inscrit la fuite du capital au budget britannique

Lundi 29 octobre 2007

FINANCE : Downing Street inscrit la fuite du capital au budget britannique

Date de parution : Lundi 29 octobre 2007 Auteur : Jonathan Ivinson, Avocat spécialisé en droit fiscal international

FISCALITE. Le gouvernement de Londres durcit les conditions des résidents non domiciliés.

Deux éléments ont ramené le Parti conservateur britannique à la vie. L’un d’eux fut un discours extraordinaire de David Cameron. Mais la signification du discours de George Osborne, le « chancelier fantôme de l’échiquier », était sans doute plus profonde. Celui-ci a annoncé une série de mesures fiscales très bien accueillies par les électeurs. Le gouvernement travailliste a immédiatement repris ces mesures à son compte. La semaine suivante, elles sont devenues la pièce centrale de son rapport sur l’avant-budget, lequel annonce les modifications de la politique fiscale pour l’année fiscale suivante.

Ces mesures sont très simples, mais pourraient cependant avoir des conséquences durables sur la compétitivité de la Grande-Bretagne dans sa dernière branche d’activité majeure, les services financiers. Les changements représentent aussi une opportunité considérable pour la Suisse de bénéficier des affaires qui pourraient dès lors être perdues par la City de Londres.

M. Osborne a annoncé que le gouvernement conservateur augmenterait de manière significative les seuils d’exemption des droits de succession entre 300 000 et un million de livres sterling. Les droits de succession avaient été prévus en tant que prélèvement frappant des personnes très aisées, alors que le coût moyen d’un logement en Grande-Bretagne est maintenant proche du seuil d’exemption, ce qui signifie que cet impôt concerne à présent la majorité des foyers en Grande-Bretagne. M. Osborne envisageait de financer cette mesure par le paiement de droits annuels d’un montant de 25 000 livres par les personnes non domiciliées en Grande-Bretagne. Le paiement de ces droits permettrait à ces personnes de remplir les conditions d’un transfert d’imposition, ce qui signifie qu’elles ne sont imposées que sur les revenus de source britannique et non pas sur leurs revenus mondiaux. Tout semblait parfait, si ce n’est que l’appropriation à peine déguisée des idées astucieuses de M. Osborne par le gouvernement contenait quelques modifications catastrophiques.

Le régime fiscal très avantageux dont bénéficient les étrangers aisés en Grande-Bretagne a parfois donné lieu à un mécontentement politique. Une controverse récente sur l’imposition des gestionnaires de placements privés en Grande-Bretagne a ramené les règles fiscales applicables aux personnes non domiciliées dans le pays au centre de la tempête politique. En vertu d’un accord particulier avec le gouvernement, la part de 20% retenue par les gestionnaires sur les bénéfices réalisés sur les fonds de placements privés (appelé le « carried interest ») est imposée à titre de plus-value à hauteur de 10%, et n’est ainsi pas considérée comme un revenu professionnel taxé à 40%. Dans la mesure où les bénéfices surviennent dans le cadre de partenariats extraterritoriaux, ils ne sont pas traités comme des bénéfices réalisés en Grande-Bretagne et peuvent ainsi échapper à l’impôt jusqu’à ce qu’ils soient versés en Grande-Bretagne.

Le rapport sur l’avant-budget du gouvernement a été largement tourné en dérision pour avoir emprunté les grandes idées de M. Osborne. Cependant, ce rapport est allé beaucoup plus loin afin de prendre des mesures plus sévères. Le taux d’imposition sur les plus-values pour des investissements à long terme a été augmenté de 10% à 18%, alors que le taux sur les plus-values à court terme a en même temps été réduit de 40% à 18%, mettant à néant d’un coup la distinction que le gouvernement avait lui-même introduite en 1998, afin d’encourager les investissements à long terme. En outre, quelques-unes des échappatoires largement utilisées par les personnes non domiciliées en Grande-Bretagne, notamment la possibilité de détenir des avoirs à travers des trusts « offshore » et d’échapper ainsi à l’imposition, ont par ailleurs été rendues impossibles.

La Suisse plus attractive

Le régime britannique applicable aux personnes non domiciliées en Grande-Bretagne était depuis toujours sensiblement plus attractif que le système suisse du forfait. Cela ne sera plus le cas. Après sept années passées en Grande-Bretagne, un étranger devra s’acquitter d’un montant de 70 000 francs par an afin de bénéficier de ce régime. Suite à un durcissement des règles qui gouvernent la base de transfert, les revenus seront vraisemblablement plus souvent considérés comme étant versés en Grande-Bretagne et imposés à 40%. L’autre facteur important est que la politique à l’égard du régime fiscal des personnes non domiciliées en Grande-Bretagne a changé et personne ne peut ainsi dire avec certitude que ces mesures constituent la dernière attaque législative contre le système.

Selon le communiqué du chancelier, il y aurait eu des éléments de preuve anecdotiques significatifs sur des gestionnaires de fonds spéculatifs, de placements privés et sur des personnes non domiciliées en Grande-Bretagne percevant de hauts revenus qui envisageraient de quitter la Grande-Bretagne pour Genève ou les îles Anglo-Normandes. Les sociétés de gestion des placements spéculatifs et privés sont hautement mobiles. Ces modifications ont augmenté la charge fiscale pesant sur un grand nombre des intervenants les plus importants de ce secteur en Grande-Bretagne et le résultat final ne peut que nuire à la prépondérance de la City de Londres.

Qu’en est-il en Suisse ? Tout indique qu’elle cherche activement à attirer les sociétés de ce secteur. La législation récente sur les fonds et les déclarations de la Commission fédérale des banques rendent cela évident. Si la Suisse développe une série de mesures fiscales cohérentes et attractives - comme l’imposition au taux uniforme de 10% des gestionnaires de fonds de placement spéculatifs suggérée par Hans-Rudolf Merz -, la prédominance de la City de Londres dans ces secteurs pourrait être sérieusement amoindrie. La panique politique du gouvernement britannique pourrait coûter cher à la Grande-Bretagne.

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