Gautier-Sauvagnac dans la tourmente

Dimanche 7 octobre 2007

Dimanche 07 Octobre 2007

Gautier-Sauvagnac dans la tourmente

Par Michel DELEAN (avec Nicolas PRISSETTE)

Le Journal du Dimanche

illustration : Denis Gautier-Sauvagnac (Maxppp)

L’affaire prend de plus en plus d’ampleur. Les enquêteurs chargés de faire la lumière sur les retraits en espèce sur les comptes de l’UIMM ont découvert que ces opérations ne concernaient pas un, mais trois comptes. Le président de l’Union, Denis Gautier-Sauvagnac, est au centre de l’attention. Reste maintenant à déterminer à quoi a servi cet argent, une partie pas des plus faciles.

L’enquête sur les finances de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), l’une des principales composantes du Medef, s’annonce décidément riche en surprises. Les policiers parisiens de la brigade financière viennent de découvrir que des retraits d’espèces suspects ont été effectués sur trois comptes bancaires de l’UIMM, et non plus un seul, comme l’a révélé vendredi le site internet de L’Express. Le montant total des sommes retirées en liquide sur les comptes de cette organisation patronale pour la période 2000-2007 est maintenant estimé entre 10 et 15 millions d’euros, selon des sources proches de l’enquête.

A l’origine, c’est Tracfin, la cellule antiblanchiment de Bercy, qui a signalé au parquet de Paris des retraits suspects de 5,6 millions d’euros sur un compte de l’UIMM à la BNP. Jusqu’à ces derniers mois, des sommes importantes ont été régulièrement retirées à la demande de Denis Gautier-Sauvagnac, le patron de l’UIMM, par de proches collaborateurs, contre la remise de chèques signés par lui-même et Dominique Renaud, l’administratrice de l’UIMM (JDD du 30 septembre). Le plus gros retrait identifié à ce jour est de 305 000 euros, selon une source proche de l’enquête. Plusieurs établissements bancaires sont maintenant concernés.

La mémoire des chiffres

Le parquet de Paris a, le 26 septembre, ouvert une enquête préliminaire pour « abus de confiance » et confié les investigations aux policiers de la brigade financière. Ceux-ci ont procédé mercredi à une série de perquisitions au siège parisien de l’UIMM, ainsi qu’aux domiciles de Denis Gautier-Sauvagnac et de Dominique Renaud. Lors de ces perquisitions, des sommes en espèces comprises entre 400 000 et 500 000 euros ont été saisies, ainsi qu’un ordinateur et diverses pièces comptables. En outre, un document faisant état d’une demande de prêt de 300 000 euros faite par Denis Gautier-Sauvagnac à l’UIMM a également été découvert. Ce qui n’a a priori rien de répréhensible mais intrigue les policiers.

A ce stade, les hypothèses d’enquête sont encore nombreuses. « On ne privilégie aucune piste, elles sont toutes valables », se borne à dire un enquêteur. Les rumeurs de financement occulte de plusieurs syndicats par l’UIMM ne sont, pour l’instant, étayées par aucun élément concret. Pas plus que l’hypothèse d’un éventuel financement politique. Pour les enquêteurs, la caisse noire patronale a pu servir à des usages multiples : aides aux syndicats, primes aux salariés de l’UIMM, mais aussi repas dans de grands restaurants, voyages d’agrément ou enrichissement personnel. Autant de choses difficiles à vérifier, les espèces ne laissant pas de traces. Seule certitude, les comptes bancaires et le patrimoine de Denis Gautier-Sauvagnac - surnommé DGS - vont être passés au peigne fin, et le patron de l’UIMM doit s’attendre à un interrogatoire très serré. Réputé pour son impressionnante mémoire des chiffres, il pourra difficilement éluder.

Quel avenir pour « DGS » ?

La question est maintenant de savoir si DGS pourra rester le négociateur social en titre du Medef. Responsable de la commission sociale de l’organisation patronale, c’est lui qui mène actuellement avec les syndicats des discussions serrées sur un projet de licenciement à l’amiable. Vendredi, la CGT a rebondi sur l’affaire en demandant l’ouverture « rapide » de négociations sur la représentativité des syndicats, invoquant les soupçons que le scandale a fait naître sur l’ensemble des partenaires sociaux. « Les organisations syndicales sont mises dans le bain alors qu’elles n’y sont pour rien, a déclaré Maryse Dumas, numéro 2 de la CGT. Cela renforce notre analyse selon laquelle le système de validité des accords prend l’eau. »

La CGT, comme la CFDT, souhaite en effet en finir avec un système où la signature d’un seul syndicat, même minoritaire, peut suffire à conclure un accord. Par le passé, les liens privilégiés tissés par l’UIMM avec d’autres organisations (FO, CFTC et CGC) avaient déjà été critiqués, notamment dans une tribune du secrétaire-général de la CFDT-métallurgie, Dominique Gillier, publiée par Les Echos voici un an. Pour autant, toutes les organisations syndicales l’affirment haut et fort, jamais elles n’ont reçu le moindre centime de l’UIMM, et aucune n’imagine même que la chose soit possible.

A terme, la question du maintien de Denis Gautier-Sauvagnac à la tête de l’UIMM pourrait également se poser. Dans l’hypothèse d’une garde à vue, puis d’une possible mise en examen (après qu’un juge d’instruction aura été désigné), la position de DGS deviendrait très inconfortable, voire intenable. Jusqu’ici, le bureau de l’UIMM lui a renouvelé sa confiance. Quant à la présidente du Medef, Laurence Parisot, dont DGS n’est pas un proche, elle a mis en avant le respect de la présomption d’innocence tout en jugeant les retraits d’espèces « incompréhensibles » et en qualifiant l’affaire de « grave ».

Il reste à savoir pourquoi « l’affaire UIMM » n’éclate que maintenant. Tracfin avait, en effet, été alerté sur les retraits suspects par la BNP dès 2004. Selon Le Canard enchaîné, le ministre de l’Economie de l’époque, Nicolas Sarkozy, avait demandé à Tracfin d’attendre avant de saisir la justice. Une position conservée après lui par Thierry Breton, et qui n’a été abandonnée que tout récemment, avec l’arrivée de Christine Lagarde à Bercy.

2007 © Le Journal du Dimanche

Publié avec l’aimable autorisation du Journal du Dimanche.

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