Pierre Falcone revient comme il veut, quand il veut…

Vendredi 5 octobre 2007

Pierre Falcone revient comme il veut, quand il veut

La justice a levé hier les deux mandats d’arrêt qui visaient l’homme d’affaires.

Par Renaud Lecadre

QUOTIDIEN : jeudi 4 octobre 2007

La justice française, c’est parfois simple comme un coup de fil. Pierre Falcone, homme d’affaires, poursuivi dans deux scandales politico-financiers, a obtenu hier la levée des mandats d’arrêt internationaux pesant sur lui. Mis en examen dans deux dossiers instruits à Paris et visant les réseaux Pasqua (Sofremi et Angolagate), il avait pris la fuite à l’étranger fin 2001, après un an de détention préventive. Protégé par un passeport diplomatique de l’Angola auprès de l’Unesco (de pure complaisance, le siège de l’Unesco étant à Paris), Falcone était de fait « inarrêtable ».

Galaxie. A l’approche du procès Sofremi (société d’exportation du ministère de l’Intérieur ayant multiplié les commissions occultes au profit de la galaxie Pasqua), prévu lundi ( Libération d’hier), Falcone avait envoyé quelques signaux : d’accord pour comparaître en correctionnelle, mais pas menottes aux poignets.

Dans un Etat de droit, il n’est pas d’usage de négocier à l’avance une décision judiciaire, seul un tribunal pouvant ordonner la levée de son mandat d’arrêt. « Mais on peut toujours demander au parquet quelles seront ses réquisitions », souligne un magistrat. L’avis du parquet n’étant que facultatif, le cas Falcone était censé relever de l’appréciation souveraine de juges du siège. Hier, dans la matinée le tribunal correctionnel a d’abord levé son mandat d’arrêt dans l’affaire Sofremi, moyennant une caution de 300 000 euros.

Le procès au fond étant imminent, pourquoi pas : tout citoyen a droit à un procès équitable, le parquet faisant assaut de civilité en estimant que l’équité commande que Falcone puisse comparaître libre. Croyant sauver l’honneur, il s’est contenté « d’émettre les doutes les plus sérieux sur les déclarations d’intention de monsieur Falcone », qui n’était évidemment pas présent hier à l’audience. Il faut donc croire sur parole ses avocats - « il a recruté la moitié du barreau », ironise un confrère - qui font miroiter sa présence effective, lundi au procès Sofremi.

Justice bananière. Car Falcone exigeait une autre garantie. C’est la deuxième couche, le tribunal correctionnel levant l’après-midi l’autre mandat d’arrêt dans l’affaire Angolagate. Pour le coup, on nage en pleine justice bananière. Ce procès-là n’est pas prévu avant fin 2008, le président du tribunal n’est pas encore formellement désigné, plusieurs avocats au dossier (représentant la cinquantaine de prévenus et parties civiles) n’ayant même pas reçu l’ordonnance de renvoi en correctionnelle. Ce tribunal a pourtant siégé pour, comme à la parade, annuler le second mandat d’arrêt.

Seule explication rationnelle : la raison d’Etat. Nicolas Sarkozy doit s’envoler pour l’Angola début 2008. La semaine dernière à l’ONU, il célébrait la fin des « mauvaises relations entre la France et l’Angola » avec son homologue Dos Santos. Lequel n’avait qu’une seule exigence : que la justice française arrête de chercher des poux à son « ambassadeur » de luxe.

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