LuxLeaks : peines réduites en appel pour les lanceurs d’alerte

Mercredi 15 mars 2017

LuxLeaks : peines réduites en appel pour les lanceurs d’alerte

AFP Modifié le 15/03/2017 à 20:31 - Publié le 15/03/2017 à 08:35 | AFP

La justice luxembourgeoise a réduit mercredi en appel les peines des deux lanceurs d’alerte français à l’origine du scandale LuxLeaks, qui a mis à nu l’optimisation fiscale à grande échelle pratiquée par des multinationales via le Grand-Duché.

La Cour d’appel du Luxembourg a par ailleurs confirmé l’acquittement du journaliste français Edouard Perrin, à qui les deux hommes avaient communiqué des documents fiscaux confidentiels soustraits à leur employeur à Luxembourg, la société PricewaterhouseCoopers (PwC).

Les premières réactions de la part des soutiens des deux anciens employés de la société de conseil étaient mitigées, regrettant que la justice ait persisté à leur infliger des peines, tout en reconnaissant l’intérêt public de leurs révélations.

Antoine Deltour, 31 ans, s’est vu infliger six mois d’emprisonnement avec sursis et 1.500 euros d’amende, tandis que Raphaël Halet, 40 ans, a écopé d’une simple amende de 1.000 euros.

Ces peines sont conformes à celles réclamées par le premier avocat général lors du procès en appel, qui s’est tenu du 12 décembre 2016 au 9 janvier 2017 devant la cour d’appel de Luxembourg.

« Le seul jugement satisfaisant aurait été l’acquittement », a réagi M. Deltour. « Le vrai procès qui n’a pas eu lieu c’est celui de l’évasion fiscale », a pour sa part déclaré M. Halet.

Tous deux avaient fait appel de leur condamnation en première instance. Ils avaient alors été condamnés à respectivement 12 et 9 mois de prison avec sursis, assortis d’amendes de 1.500 et 1.000 euros.

Les deux hommes ont été « acquittés » mercredi des accusations de « violation du secret d’affaires ».

Mais M. Deltour a été reconnu coupable du vol de « 538 rescrits fiscaux » et de « blanchiment-détention », et M. Halet du vol de « 14 déclarations fiscales », de « blanchiment-détention » et de violation du secret professionnel.

’Première en Europe’

Concernant M. Deltour, sorti du tribunal sous les acclamations d’une centaine de personnes, la Cour a reconnu dans son arrêt « la cause justificative du +lanceur d’alerte+ concernant le reproche de violation du secret professionnel » et l’a donc « acquitté de cette prévention ».

« C’est la première fois en Europe qu’un juge national accorde » cela, s’est félicité son avocat, Me William Bourdon, saluant « une pierre très importante apportée à l’édifice de la protection des lanceurs d’alerte ». Il a cependant regretté que « les juges restent au milieu du gué ».

Plusieurs ONG, parmi lesquelles Oxfam et Attac, ont dénoncé dans un communiqué commun des peines « scandaleuses et inquiétantes », réclamant « une véritable protection » pour les lanceurs d’alerte. « Antoine Deltour et Raphaël Halet devraient avant tout être remerciés pour leurs actions », ont-elles estimé.

« Cette décision est inique et inquiétante », a abondé le secrétaire général de Reporters Sans Frontières (RSF), Christophe Deloire, pour qui « ce procès n’aurait pas dû avoir lieu ».

Les deux hommes avaient soustrait des milliers de documents fiscaux confidentiels à la société de conseil PwC, détaillant les accords passés avec le fisc luxembourgeois pour le compte de grandes entreprises.

Les fichiers avaient été dérobées par Antoine Deltour le 13 octobre 2010 avant de quitter la firme et par Raphaël Halet après le premier reportage en 2012, alors qu’il était en contact avec Edouard Perrin.

Ils avaient communiqué les documents à ce membre du consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), l’organisation à l’origine des révélations du 5 novembre 2014 dites « LuxLeaks ».

Ce dernier avait utilisé ces documents pour réaliser deux reportages diffusés en 2012 et 2013 sur France 2. Poursuivi pour complicité, il avait déjà été acquitté en première instance.

Le 5 novembre 2014, l’ICIJ avait publié sur son site internet 548 rescrits fiscaux liant l’administration luxembourgeoise à plus de 350 sociétés, et 16 déclarations fiscales.

Le scandale avait poussé le gouvernement luxembourgeois à battre en retraite sur l’échange transfrontalier de documentation fiscale et avait fragilisé l’ex-Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, fraichement investi président de la Commission européenne.

Les révélations de LuxLeaks ont également servi de catalyseur à l’adoption de normes favorisant une homogénéisation de l’imposition des firmes multinationales à travers les pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).

15/03/2017 20:29:16 - Luxembourg (AFP) - © 2017 AFP

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