Les grandes enseignes placent leurs petites commissions en Suisse

Vendredi 7 mars 2008

Les grandes enseignes placent leurs petites commissions en Suisse

Distribution. De 500 millions à un milliard d’euros échapperaient au fisc.

LAUREEN ORTIZ

QUOTIDIEN : vendredi 7 mars 2008

Extraits d’un article mis en ligne sur le site du journal Libération :

Petite devinette. Pour quelle(s) raison(s) Carrefour, Auchan, Intermarché, Système U et Casino ont installé des « supercentrales d’achat » en Suisse, et pour Leclerc en Belgique ?

a) pour profiter d’une situation géographique avantageuse, au cœur de l’Europe ;

b) pour se rapprocher du siège de grands groupes ;

c) pour échapper au fisc français.

Réponse des enseignes françaises concernées : a) et b).

Faux ? Jean Arthuis, président de la commission des finances du Sénat, a lui lancé une bombe cette semaine, pourtant passée presque inaperçue, en répondant c). Et il va plus loin : « Je fais l’hypothèse qu’il y a un détournement de la loi française pour déguiser une nouvelle forme de marges arrières. »

Tintamarre. Quelles sont ces marges arrières d’un nouveau type ? « Les fournisseurs versent aux enseignes une redevance, dans des entités juridiques basées à Zurich et à Genève, qui représentent plus de 1 % du montant des contrats, soit de 500 millions à un milliard d’euros au total », affirme-t-il. Des pratiques qui échapperaient à l’administration fiscale. Et qui, d’autre part, ont pour effet de gonfler les étiquettes, dénonce Arthuis, profitant du tintamarre sur les hausses de prix pour faire entendre sa cause. « C’est le consommateur français qui paie le développement international des enseignes. »

Le développement international ? C’est en tout cas la raison avancée par les distributeurs pour exiger de telles commissions.

« Mais ne croyez pas qu’on a le choix, dit un autre industriel qui réalise plus de la moitié de ses ventes à l’étranger. Cela fait partie des accords. Ce n’est pas du racket pur et simple, mais la réalité de la prestation offerte est très discutable. Carrefour est implanté partout dans le monde, sa centrale est crédible. Ça n’est pas le cas pour d’autres… »

Toute la question est là : y a-t-il une véritable contrepartie au service payé ? Ou, au contraire, les enseignes « usent-elles de leur puissance pour faire payer des services inexistants ? », s’interroge Olivier Desforges, président de l’Institut de liaisons et d’études des industries de consommation, lobby qui représente les industriels.

La question agite les plus hauts sommets de l’Etat. Déjà, en décembre, lors du vote au Sénat de la loi Chatel, Jean Arthuis avait évoqué le sujet, et Luc Chatel reconnu le problème. « Un problème à deux faces, explique un conseiller du secrétaire d’Etat à la Consommation, fiscale et commerciale. Pour l’aspect commercial, il y a des cas où les contreparties de ces "accords de coopération internationaux" sont faibles, voire fictives. Les distributeurs sont dans un jeu d’imagination ; on invente des services pour obtenir des ristournes de l’industriel. » Pour le côté fiscal, « il s’agit d’une problématique classique de transfert de bénéfices à l’étranger ». Au ministère du Budget d’Eric Woerth, on reconnaît qu’« il y a eu des redressements pour ce motif sur ces sujets ». Mais la discrétion est de règle, secret fiscal oblige.

Evasion. Les enseignes, elles, démentent toute fraude. Chez Auchan, dont la superstructure, Auchan International, est basée à Genève depuis 2001, comme chez les Mousquetaires, dont la centrale d’achat internationale, Agenor, se trouve aussi à Genève, on nie toute évasion fiscale.

Lire la suite sur le site du journal Libération.

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