Le revirement spectaculaire de la major française TotalEnergies en Birmanie

Samedi 22 janvier 2022

Économie Birmanie

Le revirement spectaculaire de la major française TotalEnergies en Birmanie

Au lendemain du coup d’Etat de février 2021, la compagnie n’avait pas l’intention de quitter le Myanmar. Mais la répression orchestrée par la junte militaire, la pression des ONG et celle des actionnaires l’ont amenée, vendredi 21 janvier, à annoncer son retrait du pays.

Par Adrien Pécout et Julien Bouissou Publié aujourd’hui à 05h10, mis à jour à 12h53

C’est la fin d’une aventure de trois décennies qui aura fait couler beaucoup d’encre. Après avoir commencé en 1992 ses opérations d’exploration du champ gazier de Yadana, au large de la Birmanie, TotalEnergies (ex-Total) a finalement annoncé son désengagement du pays, vendredi 21 janvier, citant un « contexte qui ne cesse de se dégrader en matière de droits humains ». Le départ sera « effectif au plus tard à l’issue » d’un délai de préavis de six mois. Près d’un an après le coup d’Etat de la junte militaire, le 1er février 2021, l’entreprise américaine Chevron a également annoncé, dans la foulée, qu’elle quittait le pays.

Pendant ces onze mois, les tractations entre Washington, Paris, plusieurs ONG de défense des droits de l’homme et les compagnies pétrolières ont conduit TotalEnergies à un revirement spectaculaire. Au lendemain du coup d’Etat birman, le groupe français n’a pas l’intention de quitter le pays, bien au contraire. Le 3 avril 2021, Le Journal du dimanche publie une tribune de Patrick Pouyanné, PDG de la major pétrolière, dont le titre laisse peu de place au doute : « Pourquoi Total reste en Birmanie ».

La position de Total devient vite intenable

Quelques semaines plus tard, Le Monde révèle un montage financier autour de MGTC, la société propriétaire du gazoduc sous-marin de 346 kilomètres, enregistrée aux Bermudes et dont Total est le premier actionnaire (à hauteur de 31 %) et l’opérateur. Dans ce système, des millions de dollars provenant des ventes du gaz étaient détournés des caisses de l’Etat birman au profit de la MOGE, une société contrôlée par les militaires et actionnaire du même champ gazier (15 % des parts). Le groupe français annonce peu après, fin mai 2021, qu’il suspend le versement de dividendes, dont ceux à la junte birmane.

Au fil des mois, la situation se détériore au Myanmar (l’autre nom du pays) et la position du groupe français devient intenable. Les ONG dénombrent près de 1 000 civils tués par l’armée en à peine un semestre. Aung San Suu Kyi, l’ancienne dirigeante qui s’était opposée au coup d’Etat militaire, est condamnée à l’automne suivant à quatre ans de prison, une peine finalement ramenée à deux ans.

Lors d’une conférence donnée fin août 2021, devant le Medef, Patrick Pouyanné ne cache pas la difficulté de sa situation. « Le Myanmar, ce n’est rien du tout vu les emmerdes que j’ai en face, pardon pour le mot : c’est 1 % de la production de Total et rien en résultat », lâche-t-il, avant de conclure qu’aucune des solutions n’est « vraiment bonne ». Lire la suite.

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