Le difficile combat contre l’argent de Daech

Mercredi 18 novembre 2015

Etat Islamique

Le difficile combat contre l’argent de Daech

Christian Chavagneux

18/11/2015

Le 16 novembre dernier, dans son communiqué spécial sur la lutte contre le terrorisme, le G20 a appelé ses membres à « renforcer le combat contre le financement du terrorisme ». Le constat est certes unanimement partagé : on ne peut combattre Daech par la seule action militaire, il faut réussir à couper le groupe terroriste de ses ressources financières. Facile à dire mais moins facile à faire. Car si l’on en croît les études du Gafi et du Congrès américain, ses dirigeants semblent avoir recours essentiellement à un financement local difficilement contrôlable.

Des ressources financières énormes

Les diverses estimations disponibles situent les ressources de « l’Etat islamique » (EI) entre un et trois milliards de dollars par an, ce qui en fait l’organisation terroriste la plus puissante au monde financièrement.

[…] Un combat difficile

Mais remettre en cause ses financements n’est pas aisé. Bombarder les puits de pétrole ferait des victimes civiles et les alliés souhaitent préserver les infrastructures pétrolières pour demain. De même, on ne peut détruire les champs de blé ou les sites archéologiques. Plusieurs pistes d’action sont actuellement privilégiées.

D’abord, empêcher que l’argent du terrorisme puisse circuler internationalement. L’EI a mis la main sur une centaine de filiales de banques en Irak, la prise de Mossoul rapportant 500 millions de dollars en cash, et sur une vingtaine en Syrie. Les transferts d’argent électroniques, utilisés habituellement par les diasporas pour de petits montants, sont également privilégiés. De même que le transport de cash par des courriers.

Tout ceci est surveillé mais n’empêche pas l’argent du terrorisme de circuler. Selon le Gafi, les banques contrôlées en Syrie arriveraient à organiser des mouvements internationaux de capitaux par l’intermédiaire de leur maison mère à Damas et « il y a des juridictions avec lesquelles les banques opérant sur les territoires occupés par l’EI arrivent à maintenir des liens » mais l’institution ne précise pas lesquelles. De par leur offre d’opacité, il serait étonnant que les paradis fiscaux ne participent pas à ces réseaux. Mais plusieurs spécialistes du sujet consultés n’ont pas trouvé d’informations probantes pour l’instant.

De plus, dans une étude parue en octobre 2015, le ministère des Finances britannique indique que les terroristes corrompent des employés de banques locaux pour obtenir de faux prêts, crédités sur des comptes ouverts avec de fausses identités, l’agent étant ensuite retiré n’importe où dans le monde. Ainsi les autorités britanniques avouent que la City « est un exportateur net de finance terroriste », les djihadistes arrivant à utiliser le premier centre financier mondial pour obtenir de l’argent plus que pour le placer.

La deuxième piste d’action repose sur une action internationale coordonnée sous l’égide d’un groupe de travail international mené par les Etats-Unis, l’Arabie Saoudite et l’Italie regroupant 25 autres pays dont la France. Un travail pour l’instant peu efficace car le groupe ne date que… de janvier 2015 ! Il a commencé à se réunir en mars et la dernière rencontre a eu lieu en octobre dernier. La lutte financière contre le terrorisme de l’EI a ainsi trop longtemps été laissée de côté. On peut espérer que la circulation internationale de ses capitaux en sera réduite.

Mais la difficulté d’empêcher l’exploitation économique de ses territoires d’implantation qui lui assure une forme « d’autofinancement » criminalisée est réelle et réclame d’autres solutions. Lire la suite.

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