Le Chili enquête sur les comptes de Pinochet. L’Argentine poursuit ses militaires

Mardi 20 juillet 2004 — Dernier ajout jeudi 12 juillet 2007

Journal l’Humanité

Rubrique International

Article paru dans l’édition du 20 juillet 2004

Le Chili enquête sur les comptes de Pinochet. L’Argentine poursuit ses militaires.

Cône Sud

Sale temps pour les tortionnaires

Le Chili et l’Argentine n’en finissent pas d’exhumer les crimes des années noires de leurs dictatures. Et de plus en plus les bourreaux d’hier doivent rendre des comptes devant la justice et les familles des victimes. Vendredi dernier, le gouvernement chilien a ouvert une enquête sur les comptes secrets que l’ancien dictateur Augusto Pinochet est soupçonné de posséder dans une banque aux États-Unis. Le ministère chilien des Affaires étrangères a fait savoir que le Conseil de défense de l’État, dépendant du gouvernement, déterminera s’il y a lieu d’entamer des poursuites judiciaires. À l’origine de cette action : un rapport du Sénat américain révélant que la banque Riggs à Washington aurait aidé Pinochet à transférer illégalement de l’argent aux États-Unis (entre 4 et 8 millions de dollars, jusqu’en 2002), malgré le gel de ses avoirs, après son arrestation à Londres en 1998.

La même banque aurait contribué a monté des sociétés écrans aux Bahamas au profit de Pinochet.

Les remous provoqués par cette affaire auront-ils raison de l’impunité dont jouit Pinochet jusqu’ici ? À Santiago, la situation judiciaire du vieux dictateur ingambe, qui fait l’objet de 300 plaintes pour enlèvements, tortures, disparitions et exécutions, n’évolue que très lentement. Mais elle pourrait connaître enfin un rebondissement si la Cour suprême confirmait un arrêt, rendu en mai dernier par la cour d’appel de Santiago, levant l’immunité de Pinochet (qui conserve toujours grâce au Parlement une immunité en tant qu’ancien chef de l’État) pour sa responsabilité dans les crimes commis lors de l’opération Condor, plan d’élimination systématique des opposants dans les dictatures latino-américaines des années soixante-dix - quatre-vingt, dont l’Argentine.

C’est dans ce pays que lundi dernier, le juge Jorge Urso a procédé à l’arrestation du ministre argentin de l’Intérieur, en fonction durant la dictature militaire, Eduardo Albano Harguindeguy ainsi que de trois autres militaires pour « disparition d’étrangers » dans le cadre du plan Condor. Deux jours plus tard, l’ex-général argentin Carlos Guillermo Suarez Mason, surnommé « le boucher d’Olimpo », du nom du centre de détention et de torture qu’il dirigeait pendant la dictature, a été inculpé de 254 enlèvements. Au nombre desquels se trouvent des enfants, « butins de guerre » arrachés à leurs mères détenues politiques. Cinq autres anciens militaires sont également poursuivis pour des faits similaires : l’ex-général de brigade Teofilo Saa (accusé de 16 enlèvements) et les ex-colonels Huberto Lobaiza (68 cas d’enlèvements), Felipe Alespeiti (34 cas), Ataliva Devoto (52 cas) et José Bernardo Menendez (38 cas). Ce dernier est aussi accusé de deux homicides qualifiés.

L’annulation par la cour fédérale argentine des lois d’amnistie votées dans les années quatre-vingt, permet désormais de traduire en justice les bourreaux pour qu’ils répondent de leurs crimes perpétrés dans le cadre du plan Condor. Au nom d’une supposée menace de l’expansion du communisme et du castrisme, cette internationale de la terreur, sous l’égide des États-Unis, a saigné tout le cône Sud de l’Amérique. Trente ans plus tard, l’histoire reflue grâce aux archives et aux témoignages de survivants ou de familles de disparus, au nom de qui justice doit être faite.

Cathy Ceïbe et Bernard Duraud

Publié avec l’aimable autorisation du journal l’Humanité.

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