Espagne : jugé pour corruption, l’ex-commissaire Villarejo se voit comme « l’ennemi à abattre »

Jeudi 14 octobre 2021

Espagne : jugé pour corruption, l’ex-commissaire Villarejo se voit comme « l’ennemi à abattre »

13 oct. 2021 Par Agence France-Presse

  • Mediapart.fr

L’ex-commissaire espagnol José Manuel Villarejo, mis en cause pour de multiples scandales impliquant l’élite économique et politique de l’Espagne, s’est posé en victime mercredi au premier jour de son procès, disant avoir été « traité » par le pouvoir « comme un ennemi à abattre ».

L’ex-commissaire espagnol José Manuel Villarejo, mis en cause pour de multiples scandales impliquant l’élite économique et politique de l’Espagne, s’est posé en victime mercredi au premier jour de son procès, disant avoir été « traité » par le pouvoir « comme un ennemi à abattre ».

« Je n’ai pas été traité comme un délinquant présumé, j’ai été traité comme un ennemi à abattre », a dénoncé l’ancien policier et ex-détective privé à son arrivée devant l’Audience nationale, principale instance pénale espagnole, qui le juge aux côtés de 26 autres personnes dans une vaste affaire d’espionnage.

« Dans ce pays, quand quelqu’un dérange, on l’anéantit, on le détruit, et malheureusement on utilise pour cela des institutions aussi sérieuses que la justice », a poursuivi le septuagénaire, béret sombre, lunettes de soleil et silhouette massive.

José Manuel Villarejo, 70 ans, est accusé d’avoir profité de ses fonctions pour enregistrer à leur insu des centaines de personnalités et monter des campagnes de discrédit pour le compte de prestigieux clients, en échange d’importantes sommes d’argent.

L’ancien gradé, qui a passé plus de trois ans en détention provisoire avant d’être remis en liberté début mars, doit répondre de faits de « corruption », « extorsion de fonds », « trafic d’influence » et « blanchiment d’argent ». Des qualifications qu’il conteste et pour lesquelles il se dit « innocent ».

« Je respecte la loi, comme je l’ai fait toute ma vie », a assuré mercredi le septuagénaire, disant avoir eu le temps de « réfléchir » à la question du « bien et au mal » durant ses « trois ans et demi de méditation au Tibet » (ses années de détention provisoire, ndlr). « Je suis sûr qu’à la fin la vérité éclatera », a-t-il ajouté.

  • « justice folklorique » -

Les agissements de José Manuel Villarejo ont donné lieu ces dernières années à des dizaines d’enquêtes judiciaires, qui ont éclaboussé plusieurs grands noms de l’Ibex 35, l’indice de la Bourse de Madrid, mais aussi des magistrats et des élus - à l’image de l’ex-ministre de l’Intérieur conservateur de Mariano Rajoy, Jorge Fernandez Diaz.

Sur ces multiples affaires, trois doivent être examinées au cours des prochaines semaines : baptisées « Iron », « Land » et « Pintor », elles mettent en cause des chefs d’entreprise et des avocats soupçonnés d’avoir fait espionner des concurrents par le biais de Villarejo et de ses collaborateurs.

Pour ces trois affaires, 109 ans de prison ont été requis contre l’ancien commissaire. L’audience, prévue jusqu’à fin janvier à San Fernando de Henares, dans la banlieue de Madrid, devrait être suivie par plusieurs autres procès, sur des volets plus médiatiques faisant encore l’objet d’investigations.

Interrogé par des journalistes sur son état d’esprit à l’aube de ce premier procès, Villarejo a assuré en marge de l’audience être « tranquille », ayant « absolument confiance dans l’indépendance de la justice ». « Nous sommes dans un état de droit et j’espère donc qu’il n’y aura pas de justice folklorique », a-t-il insisté.

A l’issue d’une première journée d’audience consacrée à des questions de procédure, l’ancien policier - connu pour son bagoût et pour son sens de la provocation - a néanmoins essuyé un premier échec mercredi, l’Audience nationale ayant rejeté la demande de suspension déposée par son avocat.

Ces dernières années, l’ancien commissaire a distillé dans les médias de nombreux extraits de conversations compromettantes pour le pouvoir, notamment pour l’ancien roi Juan Carlos, soupçonné de malversations financières et en exil depuis plus d’un an à Abu Dhabi.

Une stratégie assumée par Villarejo, qui a dit mercredi avoir pensé qu’il était de « son devoir » de dénoncer « les choses illégales » auxquelles il a pu assister. « Moi je n’ai jamais eu peur d’aucun individu », même des plus « importants », a-t-il assuré en marge de l’audience.

vab/sg

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