Dominique Ouattara, la Leila Trabelsi d’Abidjan

Lundi 15 août 2016

Dominique Ouattara, la Leila Trabelsi d’Abidjan

Dans son dernier livre "Les Ouattara. Une imposture ivoirienne", Bernard Houdin, défenseur de Laurent Gbagbo et ancien conseiller à la présidence, dresse un portrait mordant de Dominique Ouattara, la puissante épouse du président ivoirien qui incarne les dérives affairistes du régime. Bonnes feuilles.

[…] Une promotion fulgurante

Bamba Vamoussa a aussi, et surtout, un oncle brillant, Abdoulaye Fadiga, gouverneur de la BCEAO. Elle se rapproche très fortement de lui. Il vient de racheter à un Français une agence immobilière locale, l’AICI. Il lui en confie la gestion. L’AICI deviendra le vecteur de développement des affaires de Dominique Nouvian Folloroux[1]. Auparavant, elle a travaillé quelque temps comme secrétaire à l’ambassade du Canada et fréquente épisodiquement un garçon haut en couleurs, bien connu de la vie nocturne abidjanaise et manipulateur de haut vol, Paki Bocoum. C’est lui qui a l’idée de la présenter au président Houphouët-Boigny. À l’origine, pour Paki, ce n’est qu’une énième façon de soutirer un peu d’argent au Vieux. Son plan est simple. Il va demander audience au Président, se fera accompagner par Dominique, parée de ses plus beaux atours. Il a déjà prévu de laisser l’entretien se poursuivre en tête-à-tête, lui se retirant sous un prétexte quelconque. Il est sûr de son fait : le Vieux sera séduit et offrira une enveloppe à Dominique, qu’ils n’auront plus qu’à se partager ensuite. Le scénario se déroule normalement si bien que, désormais, la jeune femme a ses entrées au palais présidentiel. Et la chance continue à veiller sur celle dont le Président, subjugué, dira, très vite, dans son entourage, « elle a du chien ».

Houphouët se plaint régulièrement auprès de ses proches de la gestion de ses biens immobiliers par ceux qu’il a mandaté pour le faire. Parrainée par Bocoum et le docteur Berrah, Dominique Folloroux obtient ce marché pour sa société AICI. Durant toute cette période, il semble que ses motivations soient essentiellement financières. C’est au cours de l’un de ses déplacements à Dakar, où son ami gouverneur réside, que sa vie va basculer. Nous sommes en 1984 et l’un des deux vice-gouverneurs, poste dévolu par accord tacite à un voltaïque, est assuré par Alassane Ouattara. Ce sera la rencontre de l’immeuble de Ndiouga Kébé. Ouattara est divorcé de sa première épouse, qu’il a connue aux États-Unis, Barbara Jean Davis, dont il a eu deux enfants. Cependant les choses ne vont pas se mettre en place tout de suite. Alassane Ouattara repart au FMI où il a exercé quinze ans auparavant, avant de revenir à la tête de la BCEAO en octobre 1988, à la mort d’Abdoulaye Fadiga.

Une relation fructueuse

Pendant ce temps, Dominique Folloroux « ne dort pas » comme l’on dit à Abidjan. Sa relation avec le Président est, pour le moins, fructueuse. Ainsi, entre le 16 septembre 1986 et le 9 janvier 1989, soit environ vingt-huit mois, elle reçoit, en plusieurs virements sur ses comptes bancaires à la Société Générale de Sanary puis Monaco, ainsi que sur son compte à la Société de banque suisse (SBS) à Genève, l’équivalent de plus de 24 millions de francs français. Les fonds proviennent d’un compte du Vieux à l’Union des banques suisses (UBS) également ouvert à Genève. Si ce sont ses honoraires de gestion du patrimoine immobilier du Président, pourquoi sont-ils versés sur un compte personnel ? Toutes les hypothèses sont permises. Curiosité supplémentaire, au cours de cette période, le 6 janvier 1987, un virement du même compte UBS est effectué sur un compte du Crédit Agricole de la Loire, agence de Bourg-Argental, pour un montant de 2,4 millions de francs français, au profit du docteur… Patrick Nouvian, l’un des frères de Dominique ! L’esprit de famille, sans doute.

La bonne fortune de Dominique Nouvian, veuve Folloroux, ne semble pas avoir de limites. Le 17 juin 1988 elle se porte acquéreuse d’un appartement situé 140, avenue Victor-Hugo, au cœur du XVIe arrondissement de Paris. L’heureuse bénéficiaire, qui se déclare à l’acte « sans profession » achète ce bien, pour une valeur de 8,6 millions de francs français, le financement étant « entièrement et définitivement réalisé au moyen de fonds propres » tel que cela est mentionné à l’acte de vente. Ce même acte de vente, reçu chez maître Jean-Michel Normand, l’un des notaires du Vieux à Paris, recèle un détail loin d’être anodin. L’acheteuse, non présente à la vente, est représentée par un certain Robert Dal Sasso, architecte de son état. Or ce dernier est l’architecte d’intérieur attitré d’Houphouët-Boigny qu’on retrouve aujourd’hui encore architecte des Ouattara, à Abidjan où il a refait la décoration du palais, et à Paris où il s’occupe de la rénovation de l’hôtel particulier de la rue Masseran, que le défunt président a acquis du baron de Rothschild. Ce détail autorise à s’interroger sur l’origine des fonds qui ont servi à cette acquisition.

Une autre curiosité dans la gestion du patrimoine immobilier de Dominique Nouvian. Désormais mariée à Alassane Ouattara dans les conditions sur lesquelles nous reviendrons, elle se porte acquéreuse, le 28 septembre 1995, d’une propriété sise à Mougins, sur la Côte d’Azur, pour un montant de 6,5 millions de francs français (soit 990 918 €). Ce bien lui appartient en propre, étant mariée sous le régime de la séparation de biens. Cependant, le 21 juillet 2005, chez maître Jean-Michel Normand, elle cède « la moitié indivise de la propriété » à… Alassane Ouattara, ce qui génère une situation cocasse, comme l’illustre le paragraphe « Propriété Jouissance » de l’acte de vente : Lire la suite.

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