Au « Journal du dimanche », l’inquiétude d’une « bollorisation » monte dans la rédaction

Vendredi 8 avril 2022

Économie Médias

Au « Journal du dimanche », l’inquiétude d’une « bollorisation » monte dans la rédaction

Alors que Vivendi a lancé une offre publique d’achat sur Lagardère – le propriétaire du titre –, l’arrivée de nouvelles signatures, des départs brutaux et le traitement de l’information laissent entrevoir une reprise en main de l’hebdomadaire.

Par Sandrine Cassini Publié aujourd’hui à 01h37, mis à jour à 07h31

Nouvelles signatures, comme celles de Catherine Nay ou de Gaspard Proust, l’humoriste qui s’est distingué lors de la soirée de Valeurs actuelles, le 22 mars, départs brutaux et inflexions dans les pages politiques : le feu couve au Journal du dimanche (JDD).

Alors que Vivendi a lancé une offre publique d’achat (OPA) sur Lagardère, le propriétaire du titre, les signaux laissant entrevoir une reprise en main par son premier actionnaire, Vincent Bolloré, se multiplient. Il y a deux mois, l’arrivée de Jérôme Béglé, ancien du Point et chroniqueur de la chaîne CNews, avait été perçue comme un premier signal d’alerte.

Le 29 mars, l’annonce du départ sans explication de Cyril Petit, numéro deux de la rédaction, très apprécié en interne, a fait l’effet d’une déflagration. « Il avait décidé de partir depuis longtemps en raison du nouveau contexte actionnarial », croit savoir un ami. Plusieurs sources internes évoquent surtout les efforts déployés par le directeur de la rédaction pour « dépolitiser », voire « démacroniser » le journal, connu pour accueillir chaque semaine plusieurs interviews de ministres.

Début mars, par exemple, Jérôme Béglé trappe un entretien déjà réalisé du maire socialiste de Dijon, François Rebsamen, qui annonce son ralliement à Emmanuel Macron. L’interview se retrouve dans Le Parisien dimanche. La même semaine, il refuse un papier sur l’entrée en campagne d’Emmanuel Macron, sous prétexte que ce n’est pas « un fait politique », note un journaliste. Au même moment, il accepte pourtant des articles sur l’exclusion de Sandrine Rousseau de l’équipe du candidat écologiste, Yannick Jadot, et sur l’arrivée de Marion Maréchal au côté d’Eric Zemmour.

Changement de pied

Fin février, le JDD était encore fidèle à ses habitudes. Le 27, l’ancien ministre de gauche Jean-Pierre Chevènement et le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier (ex-Les Républicains), annoncent dans ses colonnes leur soutien à Emmanuel Macron.

Pourquoi ce changement de pied ? A Paris, il se murmure que ce numéro aurait justement déplu en haut lieu chez Vivendi, qui ne fait pas de commentaire, et que Jérôme Béglé se serait fait remonter les bretelles. Le chef de l’Etat et Vincent Bolloré entretiennent des relations houleuses depuis la nomination d’Eric Zemmour chez CNews, en septembre 2019, au point que l’industriel n’aurait qu’une idée en tête : faire battre Emmanuel Macron à la présidentielle. Pas question, donc, d’assurer sa promotion.

Le 15 mars, Jérôme Béglé est sommé de s’expliquer devant la rédaction. « Certains journalistes ne trouvent pas anormal que l’on en fasse moins sur Macron, mais il y a la crainte que la ligne pro-Macron soit remplacée par une autre ligne », témoigne l’un d’eux. « Je ne suis ni macroniste, ni antimacroniste, ni pécressiste, ni antipécressiste, ni lepéniste, ni antilepéniste », se défend le directeur, le 31 mars, devant la société des journalistes (SDJ), démentant « toute reprise en main politique ». Ce qu’il ne souhaite pas simplement, c’est que l’on prenne « le JDD pour une boîte de com ». Lire la suite.

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